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Relier les quartiers, rapprocher les chemins : vers un meilleur accès aux pistes cyclables autour d’Annecy

7 août 2025

Les pistes cyclables, miroirs des fractures périurbaines

Annecy cultive une image de ville cyclable, avec ses 132 km d’aménagements (source : Ville d’Annecy, 2023), dont la célèbre voie verte du lac. Pourtant, si la bande roulante qui longe les flots est connue des familles et touristes, les quartiers périurbains sont loin d’offrir le même visage pour le cycliste du quotidien. Selon l’enquête du Baromètre vélo 2023 de la FUB, la périphérie annécienne reste une zone grise : 46% des usagers y jugent les itinéraires discontinus et “stressants” pour les non-initiés. Absence de liaisons traversantes, coupures urbaines (rocades, voies ferrées), carrefour dangereux, manque de signalétique, c’est souvent une succession de chausse-trappes.

  • Entre Épagny et le centre-ville, 3 tronçons sur 5 sont encore “à risque” d’après les usagers (Baromètre FUB 2023).
  • Sur les axes menant des quartiers ouest (Cran-Gevrier, Seynod) vers le cœur d’Annecy, plus de 60% des cyclistes déplorent la cohabitation tendue avec les voitures et les bus (enquête Cerema, 2022).

La géographie urbaine du Grand Annecy, structurée par de grandes pénétrantes routières mais aussi par les ruisseaux et aléas du relief, explique cette mosaïque. Mais c’est aussi la conséquence de décennies de développement pensé d’abord pour l’automobile.

L’exemple des quartiers périurbains : au-delà du simple “manque” de pistes

Le périurbain n’est pas seulement une question de distance. Il s’agit de quartiers souvent récents, conçus autour de la voiture. On y trouve des ronds-points, des impasses, des lotissements tournés vers l’intérieur, des zones commerciales où le piéton est intrus. Le vélo y cherche sa place : tâches de bitume sans logique, panneaux “fin de piste” surgissant soudain, absence d’éclairage ou d’abri. C’est tout un imaginaire de la mobilité douce qui reste à inventer.

  • La proportion d’habitants du Grand Annecy se déplaçant à vélo pour aller au travail n’était que de 7% en 2021 selon l’INSEE, malgré la hausse nationale (+13% entre 2017 et 2022, Source : Vélo & Territoires).
  • Dans les quartiers comme Pringy, Vieugy, ou encore le hameau de Balmont, la topographie complexe et les coupures d’infrastructure génèrent un sentiment d’isolement modal : près de 60% des trajets domicile-école sont encore faits en voiture sur moins de 3 km (source : CA Grand Annecy & FUB, 2022).

À cette réalité physique s’ajoute le facteur social : l’accès au vélo, notamment pour les jeunes, les séniors ou les personnes précaires, suppose de lever d’autres barrières (coûts, sécurité, réseaux de solidarité, garages à vélo peu présents dans les résidences collectives).

Analyser les freins au quotidien : sécurité, discontinuités, équité

Penser l’accès via une grille purement géographique est insuffisant. Trois freins principaux concentrent les difficultés :

  1. La sécurité :
    • 50% des accidents cyclistes dans l’agglomération d’Annecy ont lieu sur des axes “mixtes” (partagés), souvent aux entrées des quartiers périurbains (source : Observatoire Régional de Sécurité Routière, 2023).
    • Les parents pointent, dans les Conseils d’Ecole, les sensations d’insécurité aux abords des collèges et des routes départementales (témoignages relayés par l’association Roule & Co).
  2. Les ruptures de continuité :
    • Des itinéraires prometteurs, comme la future boucle cyclable périurbaine, sont freinés par des “trous de souris”, tronçons manquants ou carrefours non aménagés (Cerema, 2022).
    • Certains lotissements ignorent l’ouverture sur l’espace public, ne permettant pas aux vélos de sortir sans faire un détour considérable par la départementale.
  3. Le sentiment d’injustice d’accès :
    • Les habitants de zones excentrées estiment (Baromètre FUB) que les efforts d’aménagement sont inégalement répartis, perçus comme centrés sur le centre-ville ou les grands axes touristiques.
    • Des associations de quartiers périurbains, comme à Meythet, réclament des concertations dédiées pour réfléchir à des maillages locaux, adaptés au vécu.

Des solutions, ici et ailleurs : pistes concrètes pour un accès cyclable apaisé

De nombreuses expériences locales et nationales montrent que ces obstacles ne sont ni fatals ni définitifs. Plusieurs leviers, déjà engagés ou à initier, éclairent le chemin :

1. Créer la “trame fine” cyclable

  •  : il s'agit d’aller au-delà des grandes voies structurantes pour offrir, à l’échelle des quartiers, un maillage serré de petits itinéraires, passages, cheminements doux, ouverts aux cyclistes mais aussi aux piétons.
  •  :
    • Réouvrir d’anciens chemins ruraux ou “sentiers oubliés” (exemple : liaison modale par le chemin du Pré Roud, à Seynod).
    • Trouver des accords pour l’ouverture de passages entre bâtiments publics et privés : en Allemagne, près de 80% des résidences périurbaines récentes prévoient des “desserres” cyclables (Bundesinstitut für Bau-, Stadt- und Raumforschung, 2021).
    • Aménager des “raccords doux” sur les ronds-points, zones 30, ou à proximité des établissements scolaires, avec un marquage au sol différent et des ralentisseurs adaptés pour les voitures.

2. Sécuriser les points noirs avec des solutions simples et efficaces

  • Installer des chicanes visuelles (pots de fleurs, balisettes, “nids à cyclistes”) sur les tronçons accidentogènes.
  • Renforcer la lumière et la visibilité : éclairage LED basse hauteur, peinture haute visibilité, signalétique proactive (comme à Grenoble, qui a réduit de 30% les incidents sur les axes concernés – Source : Ville de Grenoble, 2022).
  • Piloter des expérimentations temporaires (“urbanisme tactique”) : création de pistes pop-up dès la mauvaise saison ou sur les horaires d’école.

3. Agir pour l’inclusion et la justice sociale de la mobilité cyclable

  • Lancer des ateliers de remise en selle, de réparation et de location solidaire dans les quartiers (expérience menée avec succès à Chambéry, où les trajets à vélo ont bondi de 25% dans deux quartiers prioritaires, source [CycloPassion, 2022](https://www.cyclopassion.fr/)).
  • Proposer l’accompagnement des publics “vulnérables” (scolaires, séniors, femmes, PMR) sur des itinéraires testés.
  • Créer un fonds communal pour la sécurisation des abris à vélo résidentiels (une demande forte en habitat collectif, souvent négligée).

4. Repenser la concertation avec les habitants

  • Lancer des “cartographies sensibles” contributives : les habitants tracent sur une carte les endroits anxiogènes ou au contraire agréables, pour orienter les futurs aménagements (expérience menée à Strasbourg, source : [Ville de Strasbourg, 2021](https://www.strasbourg.eu/actualites-detail/-/entity/id/239089)).
  • Impliquer écoles, associations de quartier, collectifs d’usagers lors des enquêtes publiques et des phases-test d’itinéraires cyclables.
  • Ouvrir le dialogue avec les commerçants et les entreprises pour penser “le dernier kilomètre” autrement que par la voiture individuelle.

Annecy et le vélo périurbain : ce que disent les chiffres, ce que racontent les habitants

Ce sont parfois des chiffres, mais surtout des voix, qui disent la nécessité d’agir :

  • Le Grand Annecy prévoit +100 km de pistes et bandes cyclables d’ici 2030 dans le cadre de son “Schéma Directeur Vélo” (Conseil Communautaire, 2023).
  • Les enquêtes montrent que près de 40% des habitants des quartiers périurbains seraient prêts à utiliser plus souvent le vélo… si l’offre était sécurisée, lisible et cohérente (source : CA Grand Annecy, novembre 2023).
  • À Vieugy, une mère témoigne : “Il manquerait deux traversées et un passage protégé sur la route, et toute une classe pourrait venir à vélo.”

Observons enfin l’exemple de la Métropole de Lyon, pionnière du réseau “Voies Lyonnaises”, qui cible expressément l’interconnexion entre centre et périphérie. Sur certains axes, le nombre de trajets quotidiens a doublé en 18 mois (Métropole de Lyon, rapport 2023). Rien n’est figé, pour peu que l’on réinterroge les priorités.

Écrire de nouvelles liaisons, tisser d’autres récits

Faciliter l’accès aux pistes cyclables dans les quartiers périurbains d’Annecy, c’est réapprendre à lire nos paysages. Chaque chemin retrouvé, chaque parcelle de bitume pacifiée raconte une transformation possible, à portée de nos choix collectifs. L’avenir se joue dans les détails : une ouverture dans une barrière, un atelier dans une école, un dialogue dans une réunion de quartier, une ampoule changée aux abords d’un passage piéton.

Au-delà de la technique, la transition se nourrit de récits d’habitants, de solidarités concrètes et d’écoutes croisées. Parce qu’une ville où chacun peut pédaler en sécurité, c’est une ville qui respire, relie, invente, et n’oublie aucune de ses périphéries. Les quartiers périurbains d’Annecy, loin d’être des marges, pourraient devenir le cœur battant d’un nouvel art de circuler ensemble.

Dans cette conversation entre l’asphalte et la prairie, que chaque citoyen, chaque collectif puisse y prendre la parole, pour inspirer routes et destins partagés.

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