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Du soleil sur nos toits : le rôle moteur des collectivités dans le développement des énergies renouvelables

10 juillet 2025

Énergies renouvelables : un chantier qui s’ancre dans les territoires

Bien souvent, la transition énergétique se pense à grande échelle : plans nationaux, réglementations européennes, objectifs fixés pour des horizons lointains. Pourtant, c’est sur le terrain, à l’échelle locale, que les projets deviennent réels, que l’on touche du doigt les transformations. Les collectivités françaises, que ce soit au niveau communal ou intercommunal, portent aujourd’hui plus de 40 % de l’investissement public en faveur de la transition énergétique (Baromètre de la transition énergétique AGIS, ADEME, 2021).

Leur implication ne cesse de croître : selon l’Observatoire des Territoires à Énergie Positive (TEPOS), on dénombrait en 2023 plus de 400 territoires engagés dans une stratégie de transition énergétique ambitieuse visant l’autonomie énergétique à horizon 2050. Ces dynamiques locales sont à la croisée de plusieurs enjeux :

  • Réduction des émissions de gaz à effet de serre
  • Souveraineté énergétique et résilience face aux crises
  • Création d’activités et d’emplois (près de 100 000 emplois directs créés dans la filière depuis 2010 selon le Syndicat des Énergies Renouvelables)
  • Valorisation des ressources locales : soleil, vent, bois, eau, déchets

Les différentes formes de soutien des collectivités locales

Le rôle des collectivités est pluriel. Selon leurs compétences et leurs ressources, elles peuvent intervenir à différents niveaux pour amorcer, accélérer et structurer le développement des énergies renouvelables.

1. Financement et participation au capital des projets

  • Aide aux études de faisabilité : Les communes et intercommunalités peuvent accorder des aides financières pour la réalisation d’études techniques ou de diagnostics énergétiques (ex : subventions pour l’achat de matériel de mesure, ou l’accompagnement de bureaux d’étude).
  • Investissement direct : Certaines collectivités prennent part au capital d’une société de projet dédiée (ex : SAS locale, SCIC) pour piloter l’installation d’une centrale solaire, d’une chaufferie bois ou d’un parc éolien. C’est le cas, par exemple, du Grand Annecy, actionnaire de la société « Energies partagées en Haute-Savoie ».
  • Garantie d’emprunt ou portage foncier : Les collectivités peuvent garantir les prêts contractés par des opérateurs citoyens ou effectuer un achat temporaire de terrains pour faciliter l’émergence d’un projet.

2. Animation, accompagnement et ingénierie

  • Création de plateformes locales de rénovation énergétique : Ces guichets accompagnent les habitants dans la rénovation de leur logement et l’installation de panneaux solaires. Ex : le service « Mon Pass’Rénov » dans le Grand Annecy.
  • Aide à la concertation locale : Organisation de réunions publiques, ateliers participatifs pour élaborer des projets acceptés socialement.
  • Montée en compétence des agents : Certaines villes mettent en place des formations pour leurs agents et pour les élus afin d’intégrer les énergies renouvelables dans tous les projets d’urbanisme ou d’aménagement.

3. Outils réglementaires et politiques publiques locales

  • Plans Climat Air Énergie Territoriaux (PCAET) : Outil majeur pour planifier à l’échelle intercommunale des actions ambitieuses sur l’offre énergétique locale. En 2023, plus de 1200 PCAET adoptés en France (source : Ministère de la Transition Écologique).
  • Incitations dans les documents d’urbanisme : Modification du PLU pour favoriser ou rendre obligatoire la mise en place de panneaux solaires en toiture lors de la construction ou la rénovation de bâtiments publics, industriels ou même résidentiels.
  • Exemplarité sur le patrimoine public : Transformation des écoles, piscines, gymnases en véritables laboratoires de la transition (ex : Ville de Chambéry avec la mise en place de 12 chaufferies bois énergie depuis 2015, couvrant près de 85 % de ses besoins de chaleur pour les bâtiments publics – Source : Ville de Chambéry).

Focus : trois leviers majeurs d’action pour accélérer la transition locale

1. L’énergie solaire en circuit local : l’exemple du solaire partagé

Depuis la promulgation de la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV, 2015), les collectivités disposent d’outils pour favoriser l’émergence de réseaux d’autoconsommation collective : l’électricité solaire, captée sur le toit d’une bibliothèque ou d’un hangar communal, est distribuée dans un rayon de quelques centaines de mètres à une école voisine, des logements et des commerces.

  • Exemple inspirant : à Faverges-Seythenex (Haute-Savoie), un projet de 330 m² de panneaux photovoltaïques a vu le jour, permettant d’alimenter six bâtiments publics et d’impliquer 70 citoyens via la société citoyenne SAS Soleil Favergien. Ce projet injecte chaque année 50 MWh d’électricité locale dans le réseau (Energie-citoyenne.org).
  • Intérêt ? Mutualisation de l’investissement, prix de rachat stable, ancrage fort dans la vie communautaire, construction d’une souveraineté énergétique locale.

2. Valorisation locale du bois énergie : chaufferies et réseaux de chaleur ruraux

Les territoires de montagne disposent d’une ressource précieuse : les forêts. Selon France Bois Forêt (2022), la filière bois énergie représente le premier poste de production d’énergie renouvelable en France, avec 36,5% de la production d’ENR. Ici, nombreuses sont les communes rurales qui construisent ou étendent leur réseau de chaleur à partir de la biomasse locale.

  • Illustration : En Haute-Savoie, la communauté de communes des Vallées de Thônes a mis en service une chaufferie bois couvrant les besoins de 240 logements et équipements publics, absorbant annuellement près de 2000 tonnes de plaquettes forestières issues des forêts locales (source : CCVT 2022).
  • Ce que cela change : Les bénéfices économiques restent sur le territoire. Cette démarche renforce une gestion durable de la forêt (label PEFC), offre une alternative au gaz fossile importé et accompagne la professionnalisation des acteurs locaux (bûcherons, transporteurs, gestionnaires de chaufferies).

3. L’expérimentation de la mobilité renouvelable

Au-delà de la production d’électricité ou de chaleur, les collectivités s’engagent dans l’intégration des énergies renouvelables dans les transports publics ou partagés.

  • Bus à hydrogène : Plusieurs agglomérations testent des lignes de bus à hydrogène “vert” produit à partir d’énergies renouvelables ; c’est le cas d’Annecy avec son démonstrateur sur l’axe Annecy – Faverges depuis 2022, permettant de tester la faisabilité technique et l’acceptabilité sociale de ces nouveaux vecteurs énergétiques (sources : Le Dauphiné Libéré, 2023).
  • Bornes de recharge alimentées par solaire ou hydraulique : Sur le territoire du Massif des Bauges, une partie du réseau de bornes de recharge pour véhicules électriques est alimentée à 100 % par des petites centrales hydrauliques communales.

Deux défis persistants sur le chemin de la transition

  • L’acceptation locale des projets : L’éolien, notamment en régions montagneuses ou touristiques, cristallise encore beaucoup d’oppositions. Pourtant, la concertation, la participation citoyenne et la transparence sur les retombées économiques démontrent que des compromis sont possibles. Le Haut-Rhin, pionnier du “territoire à énergie positive”, a multiplié les forums citoyens avant chaque implantation, transformant les critiques en co-construction (Source : ADEME).
  • L’enjeu du financement à long terme : Si les collectivités peuvent initier, elles dépendent encore largement de fonds régionaux, nationaux (ADEME, CEE, DSIL, fonds chaleur…) ou européens. La pérennisation du modèle passe par davantage de fiscalité écologique locale et l’intégration systématique de critères d’ENR dans les marchés publics.

Quand le local tisse des ponts vers l’avenir

Au Semnoz comme dans bien d’autres territoires, la transition n’est plus un horizon lointain, mais un entrelacs de gestes quotidiens, de décisions municipales, de coopérations entre agriculteurs, associations, PME et citoyens engagés. Les collectivités locales, loin d’être de simples gestionnaires, deviennent des orchestres capables d’accorder les volontés, d’ouvrir des chemins, parfois inédits, pour une économie respectueuse des vivants et de leur habitat.

Si le déploiement des énergies renouvelables à l’échelle locale semble parfois une affaire technique, il convoque au fond cette question : quel récit collectif sommes-nous prêts à tisser pour nos territoires ? Les dynamiques sont là, palpables, expérimentées, perfectibles. Elles attendent le regard, le soutien, l’inspiration de chacun pour se propager et irriguer, à leur façon, la grande aventure de la transition.

Sources complémentaires :

  • Baromètre ADEME 2023, « Les collectivités et la transition énergétique »
  • Ministère de la Transition énergétique : Énergies renouvelables en France
  • Réseau Énergie Partagée : energie-partagee.org
  • Association Amorce – « L’engagement des collèges dans la transition énergétique locale »

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