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Le covoiturage de proximité : un nouvel élan pour nos routes et nos liens locaux

11 août 2025

Un vent nouveau sur nos trajets quotidiens

Qui n’a pas croisé, au hasard d’un matin blafard sur la route du Semnoz ou d’une soirée de novembre pluvieuse, ces petits groupes de voisins attroupés aux abords d’un arrêt improvisé, un manteau serré contre le vent ? L’air de rien, ces sourires échangés au-dessus des portes claquées annoncent peut-être une révolution ordinaire : celle du covoiturage de proximité.

Depuis quelques années, ce mode de transport, longtemps cantonné aux longs trajets ou aux départs en vacances, s’ancre dans le quotidien de nombreux habitants, autour d’Annecy comme dans bien d’autres villes intermédiaires et zones rurales françaises. En 2022, selon le Ministère de la Transition Écologique, plus de 900 000 trajets quotidiens sont réalisés en covoiturage courte distance, un chiffre qui a doublé en l’espace de trois ans (Gouvernement).

Quels ressorts nourrissent cet essor ? Pourquoi se partage-t-on désormais volontiers les banquettes pour un trajet de quelques kilomètres ? Plongeons au cœur de cette mutation douce, à la rencontre de nos mobilités qui changent.

Au-delà de l’économie : l’argument indiscutable des euros économisés

Partageons d’abord un constat tout simple : se déplacer coûte cher, particulièrement en zone périurbaine ou rurale, où les alternatives à la voiture restent encore limitées. L’Automobile Club estimait en 2023 le coût annuel d’une petite voiture à plus de 6 800 € par an – une somme non négligeable pour bien des foyers (Auto Plus).

Covoiturer localement, c’est amortir ces frais :

  • Carburant : partagé à plusieurs, la note fond. Même sur 10 ou 15 km, la différence est réelle.
  • Péages et stationnement : la mutualisation permet d’échanger astuces et bons plans, voire de ne payer qu’une place de parking à destination.
  • Usure et entretien : rallonger la vie d’une auto en roulant moins, ou en exploitant au mieux chaque déplacement.

C’est ainsi que dans le bassin annécien, plusieurs groupes informels estiment économiser environ 60 à 70 € par mois en alternant les conducteurs (source : échange avec Covoit’MaCommune, 2024).

Empreinte carbone : chaque siège occupé compte

Au fil des hameaux perchés sur les collines, jusque dans les faubourgs d’Annecy, la prise de conscience écologique gagne les esprits. Se déplacer autrement, réduire sa dépendance à la voiture individuelle, c’est limiter le plus gros poste d’émissions des ménages : le transport, qui pèse environ 30 % des émissions de CO₂ en France (SDES).

Le covoiturage local, même sur de courtes distances, affiche un bilan flatteur :

  • Jusqu’à 1 tonne de CO₂ évitée par an pour un conducteur qui covoiture régulièrement (ADEME, 2023).
  • Un seul covoitureur de proximité, sur son trajet domicile-travail, c’est environ 220 kg de CO₂ économisés par an (calcul sur la base de 10 km par jour ouvré).

Ce sont des chiffres, certes, mais surtout des gestes répétés qui, de communs et anodins, participent à la transformation durable de nos modes de vie.

Des liens qui réchauffent les matins : vers une mobilité solidaire

Le matin, entre la buée sur le pare-brise et le bol de café oublié, naît parfois, sur le siège passager, une complicité inattendue. Le covoiturage, bien plus qu’une économie partagée, offre une passerelle vers l’autre. C’est là l’un de ses charmes les plus puissants.

  • Rencontres de voisinage : sur la route, on découvre celui ou celle qui habite la maison d’à-côté, dont on ignorait tout jusque-là.
  • Solidarité intergénérationnelle : des aînés isolés trouvent ainsi des compagnons et des personnes pour les aider, ne serait-ce que quelques matins par semaine.
  • Lutte contre l’isolement : un argument fort dans nos territoires de montagne, où les transports en commun font parfois défaut.

La Ligue Contre la Solitude évoque même « les effets thérapeutiques du lien social tissé dans la banalité du trajet partagé » (source : Observatoire des Solitudes, rapport 2022). Certains projets locaux, comme à Poisy ou Seynod, intègrent maintenant les conseils de quartier pour repérer les habitants en demande.

L’essor du “covoiturage spontané” : une flexibilité retrouvée

Si les plateformes numériques ont facilité la mise en relation ponctuelle (BlaBlaCar, Karos, Klaxit...), ce qui séduit aujourd’hui, c’est le covoiturage de proximité « sans prise de tête », au gré des discussions sur un groupe local, ou d’une pancarte au bord d’un rond-point. On passe de l’organisation rigide à l’improvisation de voisinage.

  • À Saint-Jorioz, un groupe WhatsApp relie plus de 150 habitants : en un message, on trouve une place pour un aller-retour au marché ou au collège.
  • Des panneaux d’auto-stop sécurisé fleurissent à Quintal et Viuz-la-Chiésaz, permettant de covoiturer sans smartphone.
  • Klaxit propose, depuis 2022, « la garantie retour » pour rassurer les nouveaux covoitureurs et lever ce frein psychosocial connu (source : Klaxit étude 2023).

Ces démarches hybrides, où l’on conjugue le numérique et la spontanéité, semblent répondre à un besoin majeur : la liberté, mais sans la solitude.

Coup d’accélérateur des politiques publiques et expérimentations locales

La région Auvergne-Rhône-Alpes s’est emparée du sujet avec vigueur. En Haute-Savoie, plusieurs collectivités (Grand Annecy, Rumilly Terre de Savoie, etc.) expérimentent et accompagnent le covoiturage courte distance :

  • Primes conducteurs : jusqu’à 150 € offerts (financement État, dispositifs MaPrimeCovoit' et Klaxit, 2024).
  • Voies réservées aux covoitureurs : premier test régional sur l’A41, Annecy-Nord (source : Grand Annecy).
  • Abris et arrêts dédiés : installation d’infrastructures permettant la rencontre entre offreurs et demandeurs (communes de Saint-Eustache et Alby-sur-Chéran, 2023).

La fusion entre initiatives citoyennes et coups de pouce publics semble produire un effet levier, notamment autour des pôles d’activités et des axes très fréquentés.

Le partage, une réponse aux défis de demain : adaptation, résilience et imagination locale

Au-delà des chiffres et des lois, le covoiturage tisse quelque chose d’indispensable à la résilience de nos territoires. Il anticipe, à sa mesure, plusieurs réalités en marche :

  • Diminution des voitures en circulation : moins de congestion, un air moins saturé, plus de silence dans les villages.
  • Soutien à ceux “qui subissent la mobilité” : jeunes sans permis, travailleurs précaires, familles éloignées des centres-villes… autant de parties prenantes qui retrouvent du pouvoir d’agir.
  • Capacité d’adaptation face à la hausse du prix des carburants, à la raréfaction des ressources ou aux canicules estivales (évitons les bouchons, l’été prochain, sur le plateau du Semnoz !).

Certes, le covoiturage de proximité ne remplace pas le transport collectif. Il le complète, pour une mosaïque de solutions réinventées selon les saisons, les tournants de la vie, ou simplement la météo.

Eclaircies sur la route : des perspectives et des espoirs

Autour du Semnoz, des rivières et des lacs, la dynamique est lancée. Les chiffres, certes, témoignent d’une progression : selon le baromètre 2023 du Registre de preuve de covoiturage, près de 3500 trajets par semaine sont déclarés dans le bassin du Grand Annecy, majoritairement domicile-travail (source : RPC).

Mais plus encore, ce sont les petits récits qui s’accumulent et dessinent, à main levée, les contours d’une mutation collective. Un adolescent de Sevrier qui partage ses trajets avec des personnes âgées du village ; des parents d’écoles qui mutualisent leurs allers-retours, et découvrent que d’autres réseaux sont possibles, riches de moments partagés.

Le chemin du covoiturage de proximité n’a rien d’une utopie. Il s’inscrit dans la terre meuble de nos relations, de nos habitudes, de ce tissu invisible qui relie habitants, travailleurs, promeneurs… Ce sont nos propres modes de vie qui, lentement, se réinventent, multipliant les passerelles face aux incertitudes, et apportant, souvent, tout simplement un peu plus de chaleur humaine à nos trajets quotidiens.

À celles et ceux qui cherchent à faire de chaque déplacement une aventure partagée, le covoiturage local offre un horizon : celui d’une mobilité plus sobre, mais aussi plus sensible, ancrée dans la réalité des villages et des banlieues. Car, sur la route du Semnoz comme ailleurs, il nous appartient, ensemble, d’ouvrir la voie.

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